La Mort dans les nuages

Mort dans les nuagesRoman d’Agatha Christie (1935)

Death in the Clouds

En résumé : Dans un avion entre Paris et Londres, une femme seule est trouvée morte, sous le nez du détective Hercule Poirot.

Mon avis : Après avoir invité la mort sur un bateau de croisière (Mort sur le Nil) et dans un wagon de train (Le Crime de l’Orient-Express), Agatha Christie réussit l’exploit de placer un meurtre dans un avion, au vu de tous les passagers, et notamment de l’inévitable Hercule Poirot. Il est d’ailleurs étonnant que celui-ci se laisse aller à un profond sommeil, mais notre détective belge ne supporte pas les voyages dans les airs…

Un trajet Paris-Londres étant un peu juste en terme de temps pour accomplir un meurtre, le découvrir et élucider l’affaire, les protagonistes sortent bien vite de leur coucou, et c’est une enquête aux deux côtés de la Manche que l’écrivain nous présente, certains personnages jouant eux-mêmes les détectives amateurs aux côtés de Poirot. Ce schéma qui va et vient entre la France et l’Angleterre donne un dynamisme à ce roman, qui s’apparenterait presque à un roman d’aventures, et qu’on a rarement connu chez Dame Agatha, si ce n’est dans Les Sept Cadrans. Une fois encore, l’auteure profite de son livre pour nous dépeindre une bourgeoisie pétrie de vanité et de suffisance, mais n’évite pas pour autant l’écueil de quelques clichés sur les Français… Comment ça, je fais preuve de mauvaise foi ?

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Un oiseau blanc dans le blizzard

Un oiseau blanc dans le blizzardRoman de Laura Kasischke (1998)

White Bird in a Blizzard

En résumé : À Garden Heights, une banlieue comme tant d’autres dans l’Ohio, Eve, mère au foyer, part en laissant son mari et sa fille.

Mon avis : À sa sortie en 2011, une libraire de ma librairie préférée (dialogues, pour ne pas la citer :-P) m’avait conseillé la lecture des Revenants de Laura Kasischke, auteure que je ne connaissais point malgré sa renommée. Ce nom m’était resté dans un coin de mémoire, jusqu’à ce que je tombe sur ce roman en poche, et en ni une ni deux, ce livre s’est trouvé dans ma besace ! Il y a des rencontres qui sont le fruit de hasards heureux… et puis il y a des fois où il faudrait un peu plus se renseigner avant de s’aventurer !

Dans Un oiseau blanc dans le blizzard, Kasischke nous dépeint le monde aseptisé et si lisse en surface des banlieues américaines, nid de la petite bourgeoisie propre sur elle et pourrie en dedans. Un beau jour d’hiver, Eve, desperate housewife avant la tendance, décide de quitter mari et adolescente pour ne plus revenir. 20 ans qu’elle endosse le rôle de l’épouse parfaite, de la mère irréprochable : ras-le-bol ! Ras-le-bol d’un mari absent tout en étant là ; ras-le-bol de ne plus être regardée, désirée, respectée ; ras-le-bol de craquer sur le boyfriend de sa fille et de se sentir si pathétique. Mais le silence étant la loi suprême des suburbs, son départ restera mystérieux. Depuis, Kat, sa fille de 16 ans, essaie de comprendre, de vivre sans elle, de mener sa vie de lycéenne en menant son enquête. Puis d’année en année, elle essaie de se résoudre à l’absence, en sentant néanmoins un grain de sable dans la mécanique bien huilée de ces microcosmes peuplés de breaks familiaux et de parterres fleuris.

Le sujet est prenant, même si risqué : en effet, comment ne pas tourner en rond lorsqu’on évoque un personnage qui ressasse une absence et son ennui ? Apparemment, l’auteure n’a pas réussi à trouver la recette miracle, car je dois avouer qu’il m’est arrivé d’avoir envie de passer quelques pages, ce qui est assez rare. Le style de Kasischke, tant admiré par nombre de lecteurs, m’a laissé aussi froid que ses images. Et des images, il y en a ! Je n’ai jamais vu autant de comparaisons dans un roman ! Il vous faudra compter à peu près une comparaison pour deux phrases, à base de champs lexicaux du froid et des oiseaux, au cas où le titre vous aurait échappé. Je m’étonne d’ailleurs que celui-ci ne soit pas « COMME un oiseau blanc dans le blizzard », ou « Comme » tout court, ce qui annoncerait plus honnêtement ce qu’on trouvera dans ce roman.

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Hors de l’abri

Hors de l'abriRoman de David Lodge (1970)

Out of the Shelter

En résumé : Après avoir connu le Blitz de Londres, le jeune Timothy, 16 ans, part en vacances chez sa sœur dans l’Allemagne d’après-guerre.

Mon avis : Si l’on y réfléchit bien, chacun a une vie qui mériterait un roman, tout au moins certains épisodes de cette vie. Mais devrait-on tous le faire ? Je n’en suis pas persuadé. David Lodge démontre ici que raconter sa vie (même si Hors de l’abri reste un roman, beaucoup d’éléments sont autobiographiques) n’est pas donné à tout le monde. La différence ? Le talent, bien sûr !

Dans ce roman, l’auteur mêle deux genres a priori paradoxaux : le roman initiatique (quête de soi) et le roman international (qui tente à expliquer les grands mouvements politiques et sociaux), ce qui paraît assez casse-gueule ! En général, un aspect est plus réussi que l’autre, et on nous offre bien souvent des romans bancals (et pas bancaux !). Alors comment l’écrivain britannique a-t-il trouvé un tel équilibre entre les deux ? Le talent, je vous dis !

La première partie de ce roman est consacrée à la jeunesse de Timothy, enfant des quartiers populaires de Londres, pendant les bombardements de la Seconde Guerre mondiale. Malgré le contexte terrifiant, le bonhomme ne voit que héros et aventures, même s’il fait aussi la lourde expérience de la perte de certains proches… Puis l’auteur nous entraîne, quelques années plus loin, dans l’adolescence de Timothy, dans une Angleterre qui peine à se redresser de ses pertes et qui vit au rythme des rationnements. La grande sœur du jeune homme, Kath, est partie en Allemagne pour travailler au compte des Américains, mais surtout pour fuir un environnement et une famille qui l’étouffent. Après quelques années de silence, elle décide d’inviter son frérot à quelques semaines de vacances à Heidelberg, cité nichée au cœur des montagnes allemandes et refuge de jeunes Américains en quête d’argent et de liberté.

C’est ce contraste entre une Angleterre ployant sous le poids de la rigueur après la victoire et une Allemagne devenue havre de fêtes et de décadence au lendemain de la défaite qui forme une des plus belles qualités de ce livre. Timothy découvre un monde où l’arrogance est le maître-mot, et où jouir de la vie dans l’ivresse et la luxure est un mode d’emploi à suivre à la lettre. David Loge pointe avec subtilité et mordant une culture américaine dévastatrice et séduisante à la fois, à travers les amis de Kath (devenue Kate pour l’occasion), mais également une société qui ne peut se défaire de son syndrome de sauveur du monde aux idéaux parfois naïfs, comme en témoigne le personnage de Don. L’Allemagne devient un champ de bataille pour la jeunesse américaine, qui se perd déjà dans la culture de l’entertainment et du plaisir pour cacher une désillusion et un manque cruel de repères.

Au milieu de tous ces enjeux idéaux et internationaux se joue l’apprentissage de la vie par Timothy Young, adolescent en pleine découverte de la culture des loisirs et de l’amour. Derrière un portrait attachant et drôle (la scène du placard est un petit bijou !) de ce jeune homme s’expriment la retenue so british qui caractérise nos voisins d’outre-Manche, et leur difficulté d’exprimer leurs sentiments et de s’offrir au plaisir. Là encore, Lodge met en parallèle ces deux cultures avec une talent de conteur et d’écrivain (non, ce n’est pas la même chose !) incroyable.

Ce roman a tout du livre culte. Je mets maintenant Heidelberg dans mes destinations prochaines de vacances, juste pour voir ce que, moi aussi, je peux y apprendre.

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Le Masque gris

Masque grisRoman de Patricia Wentworth (1928)

Grey Mask

En résumé : Après quatre ans d’absence, Charles Moray décide de retrouver sa demeure familiale. Mais à son retour, il y découvre une réunion secrète entre personnes masquées, parmi lesquelles il reconnaît Margaret Langton, l’amour qu’il a quittée.

Mon avis : Patricia Wentworth est la contemporaine d’Agatha Christie, et a de toute évidence pâti de ces circonstances. On se souvient bien moins de son héroïne Maud Silver que d’Hercule Poirot ou de Miss Marple. Elle eut pourtant, à l’époque, sa part de succès dans le style armchair detective, catégorie typiquement britannique du roman policier. Dans ce roman, nombre de personnages et d’intrigues se croisent et s’entrecroisent, quitte à parfois perdre un tantinet le lecteur. Il y a d’abord l’intrigue principale, dans laquelle le héros Charles Moray tente de découvrir l’identité du Masque Gris, chef d’un réseau dans lequel est embrigadée la douce Margaret Langton, sa fiancée qu’il a quittée quatre ans auparavant. Puis vient la sous-intrigue qui est en fait le noir dessein de cette bande masquée : on cherche à supprimer la jeune Margot Standing, 18 ans à peine, dont le père vient de disparaître en mer en lui laissant une fortune conséquente qui attise la convoitise de son cousin Egbert, entre autres. Charles bénéficie de l’aide de son ami Archie Millar, qui lui conseille d’avoir recours aux bons soins de Maud Silver, ancienne gouvernante recyclée en détective privé.

Même si ce roman est le premier volume d’une série qui mettra en scène les enquêtes de la vieille fille férue de tricot et de ragots, ce qui étonne est justement l’absence de celle-ci. Elle apparaît aux moments opportuns pour délivrer un indice tombé d’on ne sait où, ou avouer qu’elle a dénoué des situations épineuses on ne sait trop comment. Le personnage est à peine ébauché, et son intervention manque cruellement de crédibilité et de cohérence.

Le reste du roman reste agréable à lire, même s’il tombe facilement dans la mièvrerie toute en retenue (British style oblige!). On sourira toutefois à l’esquisse du personnage de la jeune Margot, pintade victorienne dont la naïveté n’a d’égale que son caractère capricieux ; ou de celui d’Egbert, dilettante infatué qui tend à faire penser que l’intelligence n’est pas la qualité première des Standing. Mais si l’on considère l’ensemble, on comprend très bien pour quoi l’histoire de la littérature a retenu les enquêtes finement ciselées de Dame Agatha plutôt que les péripéties rocambolesques de Miss Wentworth.

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Le Fossé

FosséRoman d’Hervé Jaouen (1995)

Résumé : Un homme fait tout pour retrouver sa fille de 13 ans, disparue pendant un week-end chez sa grand-mère.

Mon avis : Sur une trame classique d’un homme qui cherche à faire justice soi-même, que l’on a beaucoup vue au cinéma notamment, Hervé Jaouen signe un roman haletant et sans fioritures. Le suspense y est mené tambour battant, plongeant le lecteur dans cette quête désespérée qui amène Xavier Langlois, le protagoniste, à quitter son paradis des quartiers bourgeois pour traverser le « Fossé », cette ligne périphérique qui le sépare des bas-fonds de la ville. L’auteur décrit admirablement l’angoisse d’un père prêt à tout pour retrouver sa fille, mais ne s’arrête pas là. Il met le doigt sur un problème majeur de notre société : la cohabitation des classes sociales. Bien que d’un milieu aisé, M. Langlois met un point d’honneur à accepter et à respecter les gens d’un milieu plus populaire, refusant de stigmatiser une population qui n’a pas eu les mêmes chances que lui dans la vie. Cependant, quand il apprend que sa fille, qu’il estime avoir éduqué de façon convenable dans une aisance financière, passe en secret ses week-ends avec des fréquentations douteuses, le vernis de la tolérance absolue se craquèle peu à peu, et la terreur et l’angoisse qu’inspirent ces gens des bas-fonds font surface ; et le bourgeois bien sous tous rapports devient au fil des pages un justicier assoiffé de vengeance. Peut-on vraiment protéger ses enfants de tous les dangers ? Est-il préférable de les couper d’une certaine réalité sociale ? Connaît-on vraiment ses enfants, surtout quand ils deviennent ados, et qu’entre eux et leurs parents se crée aussi un fossé ? Voici quelques-unes des questions que l’écrivain breton a l’intelligence de poser sans forcément y apporter de réponses péremptoires. Sous ses aspects de thriller à l’américaine, Jaouen signe un roman juste et sombre sur la paternité.

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Expiation

ExpiationRoman de Patricia MacDonald (1981)

The Unforgiven

En résumé : Après un séjour de 12 ans en prison, Maggie tente de refaire sa vie sur une île de la Nouvelle-Angleterre, en tant que journaliste. Mais quelqu’un semble vouloir lui rappeler son passé…

Mon avis : Doit-on revenir à nos premiers amours littéraires ? Je me suis posé cette question quand j’ai ouvert ce roman, car quand j’étais petit, j’ai, comme beaucoup d’autres, dévoré les romans de Mary Higgins Clark. La formule ne me paraissait pas si grossière que ça, et je me souviens avoir eu des sueurs froides à la lecture de Recherche jeune fille aimant danser ou Un cri dans la nuit. Mais à force de persévérer dans la découverte de cette auteure, je me suis aperçu que les romans commençaient à se ressembler, et l’effet de suspense s’est émoussé.

Dans ma fringale actuelle de polars, je suis tombé par hasard sur ce volume de Patricia MacDonald, qu’on n’hésitait pas à comparer à la reine du suspense à l’américaine, et me suis dit que ressentir à nouveau les frissons de mon adolescence était une idée plutôt alléchante. Mais autant mes retrouvailles avec Daniel Pennac se sont révélées extraordinaires, autant mon incursion d’adulte dans le thriller féminin d’outre-Atlantique me fait l’effet d’un pétard mouillé.

Maggie a donc passé 12 ans en prison pour un crime qu’elle n’a (évidemment) pas commis. La prison, c’est tellement dur qu’elle a même fait une tentative de suicide ! On sent déjà la battante… Là-dessus elle décide d’accepter un poste de journaliste sur une petite île venteuse, qu’un inconnu lui propose par correspondance et sans véritable sans raison. On sent déjà la finaude… Soi-disant ayant renoncé à l’amour, elle tombe immédiatement sous le charme de son collègue, qui n’est autre que le boy scout/gendre idéal que tous les habitants de l’île, peu enclins à s’ouvrir aux nouveaux arrivants, adorent et adulent. On sent déjà la fouteuse de merde… Vous avez, dès les 30 premières pages, tous les éléments pour deviner comment ça va se finir, si ce n’est qui est la mystérieuse personne qui veut du mal à cette victime auto-proclamée, qu’on aurait envie de gifler même si elle sortait d’un couvent. Entre les pages consacrée au chassé-croisé « Je voudrais t’aimer mais je cache quelque chose, mais je montre à tout le monde que j’ai quelque chose à cacher », et les seconds rôles navrants de clichés (le collègue un peu brute, mais qui est au fond une bonne pâte ; celle qui est jalouse et qui fait screugneugneu avec des regards perfides ; celle qui a décidé qu’elle n’aimerait pas la nouvelle et qui s’exprime comme un chat qui crache…), il n’y a pas grand chose à sauver dans ce roman digne d’un téléfilm M6 dans la section « Destin d’un combat de la vie d’une femme » (après vérification, il y a bien eu un téléfilm, mais une adaptation française pour France 2). Si ce n’est peut-être la scène de la tarte au pommes (je n’en dirai pas plus, des fois que certains masos voudraient quand même s’infliger cette espèce de cupcake au cyanure).

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L’Homme que l’on prenait pour un autre

Homme que l'on prenait pour un autreRoman de Joël Egloff (2008)

En résumé : Un homme est régulièrement pris pour quelqu’un d’autre par des passants. N’osant pas les contrarier, il décide de leur donner raison.

Mon avis : Nous avons tous connu cette situation où une personne nous accoste en nous confondant avec quelqu’un qu’elle connaît. Personnellement, il fut une époque où, en recoupant les malentendus, j’ai compris que j’avais un sosie à Angers. Et l’idée m’est effectivement venue de me faire passer pour ce type, au risque de me faire griller au bout de deux minutes de discussion. Mais ma raison (et mon ego amoureux de moi-même) m’a tout de suite amené à rectifier le quiproquo. Peut-être n’aurais-je pas dû…

Dans le roman de Joël Egloff, le protagoniste, sans nom (forcément !), a un physique si banal qu’on le prend régulièrement pour quelqu’un d’autre, mais toujours une personne différente selon son interlocuteur. Ayant peur de brusquer les gens, il décide d’endosser le rôle qu’on lui attribue, et par là vivre des situations rocambolesques. Ainsi devient-il, tour à tour, le souffre-douleur d’une bande de voyous, l’ex-compagnon de cellule d’un malfrat, le mari de sa voisine du dessous, un présentateur de météo célèbre ou encore le fils d’un homme mourant à l’hôpital. L’auteur interroge par ce truchement notre rapport à l’autre, et les repères que nous nous forgeons dans cet univers. L’écrivain en profite pour mettre en évidence l’ennui qui ronge le couple, la solitude et la détresse liées au vieillissement, toujours sur une note ironique et absurde.

Mais autant chaque saynète est plaisante à lire, et maintient le lecteur dans une attente efficace (Mais jusqu’où va-t-il aller ?), autant le roman, dans son ensemble, manque d’une intrigue qui relie le tout. Car les inconnus qui surgissent dans la vie de notre anti-héros disparaissent aussi rapidement et facilement qu’ils sont apparus, comme la mémoire de ce facteur qui semble oublier à chaque fois à qui s’adresser et à qui adresser ses lettres. Mais il faut avouer que l’envie est tentante de jouer le jeu, et devenir un autre, juste comme ça, pour essayer… Chiche ?

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Les Douceurs provinciales

Douceurs provincialesRoman de Charles Exbrayat (1963)

En résumé : Guillaume Norrey, agent secret spécialisé dans la chimie, doit prendre ses fonctions à Poitiers, auprès d’un grand professeur sur le point de faire une découverte révolutionnaire. Mais peut-être aurait-il fallu se remettre d’une histoire d’amour passagère, survenue deux ans plus tôt…

Mon avis : En Angleterre, ils ont Ian Fleming (créateur de James Bond), John Le Carré ou encore Graham Greene. Autant dire qu’ils s’y connaissent en roman d’espionnage. En France, il semblerait qu’on ait du mal à atteindre le même niveau. Imaginez juste Sean Connery en smoking, coincé devant un bœuf bourguignon dans un film de Claude Chabrol, sur fond de vieille pendule, et vous comprendrez de quoi je veux parler. Loin du spectaculaire d’Outre-Manche, Exbrayat décide d’ancrer son histoire dans une réalité quotidienne, ce qui est tout à son honneur. Mais le réalisme doit-il s’apparenter à de l’ennui… pas forcément ! On sent que l’auteur n’a pas grand chose sous le coude, si ce n’est la situation ironique du départ (En gros, il vient travailler sans le savoir pour le mari de son ancienne maîtresse. Je ne vous gâche pas particulièrement le suspense, ça arrive à la page 38 !). Et le roman s’éternise en « Ah qu’est-ce qu’on était bien avec Madeleine ! Mais pourquoi ne m’aime-t-elle plus ? Ou peut-être m’aime-t-elle encore ? blablabla » et « Je parie que le traître est l’assistant anglais… ou peut-être le Serbe… ou peut-être le gendre… ou peut-être le professeur lui-même… blablabla ».

Charles Exbrayat n’ayant pas une plume extraordinaire, il aurait gagné à n’être que scénariste, ce genre d’intrigue pouvant être sauvé avec une bonne mise en scène, des acteurs doués et une dose d’humour. Mais ici ne reste que l’ébauche d’une histoire d’espionnage sans énormément d’intérêt, si ce n’est ajouter un cliché de plus à l’image pépère de la littérature française.

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Les Sept Cadrans

Sept CadransRoman d’Agatha Christie (1929)

The Seven Dials Mystery

En résumé : Suite à une plaisanterie qui tourne mal dans un manoir loué par sir Oswald Coote, la fille du propriétaire, Bundle Caterham, décide de mener l’enquête sur une mort bien curieuse.

Mon avis : En littérature comme en beaucoup de domaines, j’ai mes péchés mignons. Si, en cuisine, vous pouvez me satisfaire avec du caramel au beurre salé ou des graines de sésame, un petit Agatha Christie, de temps en temps, ravive mon plaisir de lecteur à coup sûr. Découverte à l’époque du collège, comme beaucoup d’entre vous, il ne faut pas cantonner la Lady à un écrivain d’enquêtes pour gamins (je ne serais pas aussi clément envers Mary Higgins Clark…). Agatha Christie a un univers bien à elle, peuplée d’aristos coincés du derche qui ne savent tellement plus quoi faire de leur fric qu’ils s’entretuent pour passer le temps. Mais Agatha Christie n’a pas son pareil pour décrire cette classe sociale et leurs travers, sous la couverture bien-pensante de leur position sociale. Bel exemple que ce roman, où de jeunes arrogants décident d’embêter un travailleur honnête (en apparence, comme toujours chez notre romancière)mais un peu austère, quitte à causer son décès par inadvertance (en apparence, là aussi).

En 1929, Agatha Christie a déjà rencontré le succès avec La Mystérieuse Affaire de Styles ou Le Meurtre de Roger Ackroyd, mais n’a pas encore signé d’autres de ses chefs d’œuvre, tels que Dix petits nègres ou Le Crime de l’Orient-Express. On sent un style encore jeune (quelques évidences dans l’intrigue), mais la filoute arrive quand même à nous surprendre à la fin. Ce volume ne ressemble pas à ce qu’on pourrait appeler un roman christien classique, ancêtre des séries formula shows. Ici l’histoire s’apparente à un roman d’espionnage, et alors qu’elle nous a habitués à des huis-clos insoutenables, elle nous balade ici entre la campagne anglaise et les bas-fonds de Londres. La jeune enquêtrice improvisée, Bundle, est un personnage attachant par sa fraîcheur et sa malice, mêlées à une insolence et une opiniâtreté qui font d’elle une rebelle parmi les siens, sorte de Miss Marple adolescente. Christie nous fait le plaisir d’insérer quelques seconds rôles cocasses comme on les aime, et signe un roman haletant et léger, qui donne envie de lire à la lumière d’une lampe torche, caché sous notre couverture.

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La Mécanique du cœur

Mécanique du coeurRoman de Mathias Malzieu (2007)

En résumé : À Édimbourg en 1874, Jack naît avec un cœur gelé, que le Docteur Madeleine remplace immédiatement par une horloge. L’enfant peut ainsi vivre, mais il devra éviter les émotions fortes…

Mon avis : Dans un pays on l’on aime bien mettre (et conserver) les artistes dans les cases, il était impensable que Mathias Malzieu, chanteur du groupe Dionysos, s’essaie à la littérature, lui chantre de la pop/rock alternative. Et à part Boris Vian (de mémoire), peu de personnes ont su embrasser les carrières de musiciens et d’écrivains avec autant de succès dans les deux. Pourtant, ce petit roman fit un buzz incroyable à sa sortie, l’univers que créa le nouvel écrivain étant très vite rapproché de celui de Tim Burton. Effectivement, il y a du Burton dans le début du roman (paysage enneigé, mécanique et humain mélangés, innocence du protagoniste, seconds rôles loufoques…), et ce sont de belles promesses qui enchantent le lecteur. Mais l’auteur veut créer un mythe, une histoire d’amour qui fera référence, comme Roméo et Juliette, Tristan et Yseult, Stone et Charden, et bien d’autres… Malheureusement, Malzieu semble avoir des difficultés à trouver une unité de ton (grands élans romantiques entrecoupés de « Putain! ») entre la grandeur classique et le roman moderne. De plus, après un début aux frontières de l’onirique, l’histoire s’installe, après quelques pages, dans une banalité ennuyeuse, la jeune fille faisant l’objet de l’attention du jeune Jack n’étant pas à la hauteur du travail descriptif auquel le protagoniste a eu droit.

Comme toute grande histoire amoureuse mythique, elle doit forcément mal se finir (ben oui, faut pas se leurrer !), et l’auteur a bien appris la leçon. Mais le roman se termine avec une sensation de bâclé, de manque d’inspiration, et gâche un peu le plaisir de cette lecture, qui reste dans l’ensemble distrayante.

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